Les sectes...

Sommaire:

Partie I: Attention, sectes par Paul Ranc
Partie II: De l'enfermement à la plénitude (témoignage d'une ex-membre d'une secte)

Introduction

En octobre 1994, le monde entier était bouleversé en apprenant la mort violente de plus de cinquante personnes au sein de la secte de l'Ordre du Temple Solaire. Ces tragiques événements ont donné lieu dans les médias à nombre d'articles et d'émissions sur la question des sectes. Maints journalistes, peu au courant du fait religieux, ont eu tôt fait d'assimiler à des sectes pernicieuses, tous les mouvements spirituels dont le seul tort est d'être en marge des Églises établies (catholiques ou protestantes). Ainsi, par exemple, en préambule d'une émission consacrée à l'Ordre du Temple Solaire, étaient diffusées des images mêlant sans discernement les chants enthousiastes d'une rencontre charismatique (parfaitement chrétienne) aux propos enflammés d'un chef de secte fanatisant ses adeptes pour qu'ils soient prêts à tuer pour lui.

Les Églises et Mouvements évangéliques sont souvent les victimes de telles méprises, parfois par ignorance, parfois aussi, il faut le dire, de propos délibérés. Ainsi, selon le bulletin Idéa de décembre 1994, des évêques orthodoxes de Crête ont, dans une lettre pastorale, mis en garde leurs fidèles contre les Églises évangéliques, en les assimilant aux satanistes et aux sectes occultes. Tous les prélats ne partagent pas le même obscurantisme: interrogé par le journal l'Avènement sur son approche des évangéliques, le regretté Cardinal Decourtray déclarait: "Pour moi, les évangéliques ne sont pas des sectes, pas du tout. Non! et je peux dire qu'à Lyon, en janvier, un pasteur évangélique participe à notre prière pour l'unité. Il y a des points sur lesquels nous sommes plus proches des protestants (par exemple l'avortement), d'autres non".

Pourtant, dans les médias, il est hélas trop fréquent de trouver pêle-mêle, sous l'étiquette sectes, les Assemblées évangéliques de Frères, les Témoins de Jéhovah, l'Armée du Salut, les Scientologues, les Pentecôtistes et les Mormons. Il faut reconnaître que, dans le protestantisme, il existe une telle floraison de mouvements divers qu'il est difficile de les connaître tous. Ce serait d'ailleurs inutile, car il y en a sans cesse de nouveaux. Un ami postier me disait: "A la poste, pour nous apprendre à voir si l'on a à faire à un faux billet, on nous enseigne à reconnaître ce qui fait un vrai billet. Après c'est tout simple, tout billet qui n'a pas les caractéristiques d'un vrai est réputé faux!"

Dans son article (la partie 1 de cette étude), le diacre Paul Ranc, spécialiste des sectes, nous donnera quelques éléments de réponse pour trier l'ivraie du bon grain. Sa définition de la secte se situe dans une perspective chrétienne: elle nous donne comme pierre de touche l'oeuvre et la personne de Jésus-Christ.
Vus sous cet éclairage, les Témoins de Jéhovah, les Mormons et les Scientologues qui nient la divinité ou l'incarnation de Jésus apparaissent comme des sectes, alors que l'Armée du Salut, les Assemblées évangéliques de Frères ou les Pentecôtistes qui professent l'incarnation et la divinité de Jésus et croient donc en la Trinité, sont des Églises chrétiennes. Dans cette perspective, les points sur lesquels on pourrait être en désaccord avec eux deviennent secondaires.

Ensuite (dans la deuxième partie), c'est le témoignage d'une rescapée, exe-membre d'une secte, qui nous montre un autre aspect des sectes. Alain Décoppet

Partie I

Attention, sectes

Plus de vingt ans de ministère m'ont appris que le phénomène sectaire est en train de prendre un tournant capital dans sa stratégie d'expansion. On compte près de deux cents sectes en Suisse et plus de sept cents en France, dont une trentaine sont reconnues comme étant des puissances aussi bien spirituelles que financières. Ces chiffres nous donnent le vertige et nous obligent à prendre le problème des sectes au sérieux.

Qu'est-ce qu'une secte?

Question apparemment anodine, mais piégée. Est-ce une minorité religieuse?
Ce critère de définition n'est pas déterminant. Surtout il n'est pas approprié dans la mesure ou une minorité peut être, parfois plus qu'une majorité, porteuse d'espérance et de germes d'un renouveau.

Pour sa part, le sociologue Pierre Berger dit qu'il s'agit d'un groupe "numériquement restreint" dont les membres "vivent dans un état de tension perpétuelle". C'est sans doute vrai: les sectaires ont le sentiment d'être persécutés et, de ce fait, ils constituent, du moins en apparence, un bloc homogène. Cependant, il existe des groupes dits minoritaires qu'on ne peut considérer comme des sectes et, inversement, de grandes sectes qui comptent des millions d'adeptes (Moon, scientologie, etc.).

Est-ce une division?

Le fait de s'éloigner, en raison d'affinités personnelles, de la religion majoritaire professée dans une société, ne saurait en soi être assimilé à un phénomène sectaire. Certaines divisions (des schismes) ont par exemple marqué l'histoire. Quoique douloureuses, elles se sont révélées nécessaires et furent souvent des facteurs de redressement décisif (la Réforme, par exemple).

Par contre, il y a des ruptures qui donnent naissance à des sectes caractérisées (les Témoins de Jéhovah, les Mormons, les Amis de l'Homme, etc.).

On le voit, donner une définition du mot secte n'est pas des plus aisés. L'historien fribourgeois J. F. Mayer s'y risque et parle couramment de "nouveaux mouvements religieux". Cette expression, sans être fausse, prête cependant à discussion. En effet, tous ces groupes ne sont pas nouveaux (même la scientologie fait des emprunts au bouddhisme). Les désigner comme des mouvements n'est pas toujours plus approprié: par définition, un mouvement est éphémère, donc limité dans le temps alors que bon nombre de ces groupes sont installés. Enfin, il y a des sectes parfaitement athées, comme Raël.

Nous optons pour la définition suivante: "groupement d'essence religieuse ou philosophique, mystique ou athée, étranger à l'enseignement et à l'oeuvre de Jésus-Christ, qui déforme ou falsifie ce qui en fait la substance". Une telle définition est bien sûr chrétienne, et elle est à mettre en relation avec ce qui la fonde: la Bible -- parole de Dieu et norme de foi et de vie en toutes choses. Elle désigne Jésus-Christ comme étant l'expression même de la vérité, hors de laquelle il n'y a qu'appauvrissement, déviance ou errance.

Principales caractéristiques des sectes<P> Toutes les sectes sont des mouvements de protestation contre la société et contre l'Église. A l'origine de toute secte ou mouvement minoritaire, se trouve un homme ou une femme qui, à un moment donné, va à contre-courant des idées généralement établies. Ainsi, les Témoins de Jéhovah se présentent comme des contestataires de l'État, de l'armée, serment, etc. et des Églises considérées comme "les ennemies de la vérité".

L'influence du chef (leader ou gourou). Le chef est indispensable. C'est le maître, celui qui sait tout, qui transmet ses pouvoir et sa connaissance à ceux qui en seraient dignes. Son autorité s'étend à tout, il règne souvent comme un despote qui se veut éclairé et n'admet pas la contradiction. Tout ce qui concerne la secte se ramène à lui. Le ministère du chef serait égal, sinon supérieur, à celui du Christ.

Cela est parfaitement illustré par une secte qui se dit néo-apostolique et dont l'apôtre-patriarche, Bischoff, devait déclarer en 1956: "celui qui se sépare de moi, se sépare de Jésus"!
Le chef de la secte se prend pour un prophète. Il se dit inspiré (comme ce fut le cas de Georges Roux, le "Christ de Montfavet"); parfois, il peut être surdoué intellectuellement (comme le fondateur de la Méditation transcendantale). Il est capable de tenir un discours, structuré ou non, sur des bases absolument fausses. Son pouvoir de séduction est énorme. Il fascine tantôt par des discours, tantôt par ses gestes ou son comportement.

Le mode de vie imposé aux adeptes est en général très moralisant (Lectorium Rosicrucianum, ou Rose-Croix), presque carcéral (Moon), mais aussi parfois dissolu (enfants de Dieu, Osho). En dépit d'une grande diversité d'une secte à l'autre, nous discernons une constante: l'absence de liberté individuelle. Elle peut se manifester par l'interdiction de manger de la viande ou du poisson comme c'est le cas pour le Lectorium Rosicrucianum, ou le refus des transfusions sanguines chez les Témoins de Jéhovah. Il s'agit en fait d'un perfectionnisme humain où le sectaire pense être sauvé par le moyen de ses mérites personnels. C'est une forme de salut par les oeuvres.

La sécurité. En un temps où la famille se désintègre, où la société se disloque, il se développe un climat d'insécurité, notamment chez les jeunes. Les sectes le savent et certaines proposent une forme de sécurité à leurs adeptes. C'est le cas de plusieurs d'entre elles où l'on vit en communauté.

La recherche de nouvelles révélations: En proposant à ses membres la Voie, le Chemin, la Vérité, la Puissance, la Maîtrise de soi, les sectes prétendent répondre aux besoins les plus profonds de l'être humain. En fait de révélations nouvelles, on n'y propose que des "révélations réchauffées", adaptées à la mode occidentale ou scientifique.

Enfin, la plupart des sectes se caractérisent par la condamnation de toute autre communauté et, en particulier, celles de type institutionnel. Pour celles qui reprennent le label chrétien, elles cherchent à appuyer leurs critiques en tirant de la Bible des versets isolés ou déviés de leur sens; mais le message central de la Révélation est atténué, sinon nié.

Que font les sectes?

Une fois le nouvel adepte embrigadé, il sera dans les plus brefs délais endoctriné, en quelque sorte programmé. En effet, le but premier de la secte est d'obtenir si possible la transformation de la personnalité, souvent par des techniques psycho-occultes, qui permettent de changer les "points de repère" chez l'individu.

La plupart des psychiatres pensent qu'il s'agit de manipulations. mentales. Soumis à d'intenses pressions, l'adepte perd peu à peu tout sens critique, son moi est annihilé. Réduit à l'état de robot, il répète mécaniquement tout ce que dit le chef.
Le second objectif de la secte est évidemment de garder l'adepte. Pour ce faire, des moyens éprouvés sont mis à contribution: travail et méditation. C'est le cas de Moon ou de la Conscience de Krishna; leurs adeptes sont tenus de travailler ou de méditer près de 16 heures par jour! Conséquence logique: ils ne disposent que peu de sommeil et, de plus, doivent souvent se contenter d'une nourriture frugale ou déséquilibrée. Constamment surveillés, voire jugés ou mis à l'amende, ils sont peu en état de marquer un recul. Il n'est pas difficile d'imaginer les effets d'un tel traitement. Soumis corps et âme à son chef, le sectaire, que nous devons considérer avant tout comme une victime, n'est plus que l'ombre de lui-même. Sa volonté n'existe plus. Seul compte pour lui le développement de la secte.

Première conséquence de ce processus, la rupture avec les proches, y compris le milieu familial. La secte détruit la famille. Cela s'explique aisément: ne se définit-elle pas comme la nouvelle famille, la famille des élus, la vraie famille? On comprend mieux alors pourquoi les sectes tiennent longtemps leurs proches dans leurs griffes... comme aussi la peine ou le désespoir des parents ou des proches.

Que faire?

L'existence et la prolifération des sectes demeurent un sujet de perplexité, sinon d'inquiétude. Nous ne pouvons pas rester passifs devant un tel fléau. Mais comment réagir?

A mes yeux, une seule issue est possible. Celle qui consiste à redécouvrir le message de l'Évangile, la Bonne Nouvelle de la grâce de Dieu, et la liberté à laquelle elle donne accès dans une consécration sincère à la personne de Jésus-Christ.
Replonger personnellement ses racines au coeur de l'Évangile: c'est le seul moyen de ne pas être entraîné par les vagues déferlantes sectaires. Et, du même coup, l'Église redevenant une vraie communauté fraternelle, un lieu où l'on s'encourage et s'épaule, le monde en est transformé... Paul Ranc "tiré de (Certitudes)"

Partie II

De l'enfermement à la plénitude

"Geneviève Burnod, vous avez passé six ans dans une secte, que vous avez quittée en 1964. Vos enfants y sont restés quelques années encore, avant de s'en extraire à leur tour, mais, pour sa part, votre mari n'en est jamais sorti. Vous ne l'avez pas revu depuis une trentaine d'années."
Lui et moi avions été élevés dans un milieu libre-penseur. Mais nous sentant appelés par Dieu, nous étions devenus pratiquants dans le cadre d'une grande Église. Quelque peu déçus toutefois par la fadeur spirituelle qui y régnait, nous avions commencé par nous joindre, sans tenir compte des étiquettes, à un groupe sympathique de personnes engagées qui pratiquaient une forme de partage, de compagnonnage, de recherche d'une vie plus épanouie.

Plus tard, certaines circonstances, jointes à des éléments divers qui se sont additionnés comme des virus, ont en fait affaibli notre "organisme spirituel". Or, quand règne l'insatisfaction, l'adversaire -- je veux dire le diable, comme le nomme la Bible repère fort bien les moments de faiblesse, en particulier celle du chrétien.
Le piège pour nous s'est manifesté sous la forme d'un ecclésiastique remarquablement doué, très bouillant, voire enthousiaste, dont nous avons croisé le chemin. Il serait faux de dire que nous n'avons rien reçu à travers lui. Au contraire. Progressivement, nous nous sommes joints à son groupe, où l'on dénonçait la tiédeur des autres. Ce groupe finit par déraper complètement.

"Comment ont opéré les mécanismes de dérive?"

Il y a deux types de personnes qui entrent dans les sectes: celles qui se montrent exigeantes en matière de vie spirituelle, et celles qui fuient leurs difficultés personnelles. Dans notre cas, les deux se mêlaient, mais nous n'en étions pas très conscients. En ce qui me concerne, l'ardeur et l'enthousiasme se doublaient d'une sorte de violence qui me désespérait. J'espérais un changement. Quant à mon mari, bien que cadre et jouissant d'une excellente formation, il souffrait d'une profonde faiblesse de caractère; j'en ressentais de l'insécurité. La violence d'une part, l'inconsistance de l'autre, furent les deux microbes dont Satan se servit astucieusement.

Au début, nous avons commencé à vivre dans une joie intense. Nous donnions ce que nous possédions, vivions selon les règles de la communauté. Puis nous avons dû couper avec nos amis. Connaissant nos limites, nous acceptions cette école difficile. Plus tard, c'est de nos enfants que nous avons peu à peu été coupés. On leur faisait ingurgiter un tas d'idées et, très rapidement, lorsque je me suis révoltée, on faisait passer leur mère pour une rebelle.
Dans la suite, pour accroître leur main mise sur le cerveau de mon mari et sur celui de mes enfants, les chefs les ont coupés de cette "polluante" qui posait les questions interdites.

"Les choses se sont-elles encore aggravées?"

Il y avait, occupant une position importante dans le groupe, une personne qui avait des révélations surnaturelles; et ce n'est que bien plus tard que j'ai réalisé que cette femme, par qui transitaient ces messages, était en fait un médium.
Elle avait peu à peu remplacé la Bible par ses messages. Les membres se sont mis à baigner dans une sorte de puissance magique, probablement occulte, à laquelle ils ne pouvaient résister.
En fait, nous étions enfermés dans un mensonge.
Et il faut arriver à prendre conscience de cette misère pour crier au Seigneur, pour appeler la délivrance. C'est après en être sortie que j'ai pu mesurer ce que c'est que de vivre dans une relation vraiment vivante avec le Seigneur, une sorte de plénitude. Et je repense à ces horreurs qu'il a fallu endurer, en particulier à ces périodes de captivité où on m'enfermait à clé. On m'a même enlevé ma Bible pendant un temps.

Dans ces phases de solitude, d'épreuves où nous sommes raclés au tréfonds de nous-mêmes, le Seigneur peut encore arriver à nous parler, à se manifester à nous. Le jour où je voulus me supprimer, dans la chambre où j'étais enfermée depuis des jours, j'ai été miraculeusement secourue, découvrant la présence du Christ, prisonnier avec moi.
Pour moi, les autres comptaient tellement plus que Dieu. J'avais besoin d'eux pour savoir que Dieu existait.
Nous adhérions à cette pseudo-communauté pour y trouver une libération de nous-mêmes. En fait, nous y avons trouvé un esclavage mille fois plus terrible, mais qui nous a montré la nature de l'esclavage qu'on observe dans de nombreuses vies aujourd'hui.
Mais, au sein même de ces tribulations, Dieu a permis que le Saint-Esprit se fasse entendre à mon esprit.

"Que diriez-vous à ceux qui redouteraient d'être pris dans les filets d'une secte?"

A tous ceux qui craignent d'être tentés par les sectes, je dis: attention à l'autoritarisme au gourouisme. Avez-vous besoin qu'on prenne des décisions à votre place? Danger! Apprenez plutôt à écouter le Seigneur.

Mais ceux dont les proches se retrouvent embrigadés dans des aventures sans fin, sans issue (qu'il s'agisse d'une secte, ou d'un problème familial, professionnel, de questions de drogue, de sexe ou d'alcool et que sais-je encore), qu'ils sachent que la seule chose à faire pour ces captifs, c'est de demander au Seigneur de s'en mêler; et peut-être dégagera-t-il, premièrement en nous-mêmes, un canal d'espérance qui permettra que sa vie coule vers les autres, pour un authentique et réciproque liberté. (tiré de "Certitudes")


Paul RANC est actuellement Vice-Président du Comité Directeur de l'Association francophone VIGI-SECTES et Responsable national en Suisse.


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